Flow
La voisine nous l’amena, peu de temps après la sortie du film dont il porterait le nom. Noir, minuscule, les yeux immenses ouvert sur deux prunelles d’un jaune radioactif, une petite tache blanche, une trace de pinceau sous le museau, sans doute histoire de n’être ni un chat noir, ni un tuxedo. Mais si on regarde de près la fourrure de la bête au repos (rare, trop rare moment), on constate ici et là des piquetis de poils blancs uniques, comme des poignées d’étoiles très lointaines dans un champ galactique.
Bref c’est ainsi que Flow est monté dans l’arche Debats/Cotte. On m’a dit que les chats noirs étaient particulièrement intelligents, la version chats de ces mutants qui savent replier (et désormais LIRE) une carte routière sans jamais se tromper de pliure.
J’y crois désormais sans effort.
Flow, c’est la version ingé du chat. Celui qui veut comprendre la cause secrète des choses...
Les chats, par principe, nous suivent partout. Notamment aux toilettes. Ce que j’avais réussi à obtenir de mes enfants, qu’on me laisse tranquille dans cet endroit pour le moins intime, je ne suis JAMAIS parvenue à l’imposer aux chats, tous nos chats. Mais Flow, lui il a un autre intérêt que profiter bassement qu’on soit obligé de rester assis un moment avec de délicieuses cuisses nues à lacérer d’amour.
Impossible de tirer une chasse d’eau sans qu’il déboule comme un expert de la Compagnie des Eaux. Il se perche au bord, observe la cascade avec gravité, puis disparaît en fulgurant parce que les éclaboussures, ça, ce n’est pas dans son cahier des charges.
Il a aussi développé une obsession professionnelle pour les circuits de nourriture. Dès que j’ouvre le placard, Flow se dresse comme un contrôleur des stocks, suit précisément la trajectoire du sachet, mémorise l’étagère. Logistique, inventaire, optimisation. Ce chat fait du supply chain management.
Dans le jardin d’hiver, on a un interrupteur qui allume en même temps les poissons et les tortues. Flow connaît parfaitement la manœuvre. Parfois il attend le clic pour foncer vérifier que les bulles bullent, et que les UV uvent. Mais parfois il anticipe, se plante devant l’interrupteur et fixe mon doigt, genre un superviseur qui ne veut rater aucune étape de la procédure.
Sans parler de la fontaine à eau. Flow grimpe sur la table, observe la formation des bulles avec toute la concentration d’un chercheur du CNRS. Puis, forcément, il met la patte pour boucher l’arrivée d’eau et voir comment réagit le système. Il obtient sa bulle, il est ravi, puis se rend compte que l’eau est toujours aussi mouillée que la dernière fois Résultat : il finit vexé, et secoue la patte comme si la physique elle-même lui manquait de respect.
Et pour tout dire, c’est le seul de nos animaux que les aspirateurs, brosses, balais passionne, les autres sont déjà loin planqués sous des étagères que lui teste ce bout qui aspire avec précaution, mais très vif intérêt.
Hier, le Guéridon plantait des clous. Beaucoup de clous. Trois de nos félins, s’étaient carapatés, outrés, le Timini observait la chose de loin avec réprobation. Mais Flow, Flow... c’est tout juste s’il n’avait pas la tête sous le marteau pour voir. Il s’est installé pile sur la planche, le museau collé à l’action. Il suivait chaque geste avec une intensité de spectateur de théâtre. Pour rire, le guéridon lui a fait une démonstration spéciale.
Flow n’a rien raté. Pas un mouvement. Quand le marteau a été posé, il est allé le tapoter de la patte.
Voilà Flow, le chat qui prend chaque phénomène comme une affaire personnelle.