Les Parques -
À mon psy, j'ai parlé de la douleur de constater qu'une fois que j'arrête les efforts vers ma famille héritée, les signes de leur part s'arrêtent ; et quand j'ai parlé de la sensation d'isolement que me procure le fait de voir mes amies, exes et amoureuses s'amuser en groupe par leurs histoires a posteriori, je reviens à la même douleur familiale. Quand je crains de moins voir mon enfant si je contrarie ma co-maman, je reviens aux mêmes peurs. Ça fait réfléchir à ce que j'ai choisi avec ma famille héritée : j'ai remplacé le stress quotidien par une douleur sourde et permanente. Je connais ce creux, il m'accompagne depuis les cours de récréation, le paradoxe autistique de vouloir être incluse, mais d'être exténuée par les interactions et le bruit. Au moins maintenant je sais le prévoir, mais ça ne résout pas le manque.
J'ai choisi de quitter Paris parce que Paris me tuait, pour trouver le calme à la campagne, et je n'y trouve pas d'équilibre.
Je ne fais pas un parallèle avec une scène du film The Hours, mais elle tourne dans ma tête alors je la partage avec le psy, qui semble la connaître aussi bien que moi. Lui l'a vu il y a peu, mais moi les dialogues résonnent comme des acouphènes, que je le veuille ou pas. Leonard et Virginia ont quitté Londres pour trouver le calme à la campagne, parce que les médecins ont déterminé que la vie sociale frénétique de Londres tuait Virginia. Elle est partie contre son gré, et se morfond à Richmond, et rêve de revenir à la capitale. La comparaison est brève : c'est moi qui ait voulu partir, et je ne veux pas revenir à Paris. Je voudrais être sereine à la campagne, et une vie sociale me manque. J'avais aimé faire cette comparaison au moment de quitter Paris ; maintenant je détesterais me retrouver dans Virginia qui hurle vouloir repartir.
J'aimais ma sluttiness parisienne ; j'ai encore beaucoup à écrire sur mon spectre asexuel, l'impact de la transition, des hormones, du déménagement. En attendant, ma slut est en manque. Elle veut reprendre du service.
J'aime ces moments de connexion avec mon psy, l'impression d'être entendue, et j'aime qu'il fasse des commentaires. Il me parle du lien à la douleur de la vie, et à la mort, du fil qui est façonné, mesuré et coupé par les Heures. Je l'interromps.
« C'est drôle, j'ai essayé il y a quelques jours d'insérer une références aux Parques dans le scénario que j'écris avec une amie.
— Je ne suis pas surpris.
— Mais vous venez de faire un lien entre The Hours et les Heures, les Parques, et j'ai la tête qui explose.
— Il semble que ça ne soit jamais évoqué dans les critiques mais pour moi c'est un lien fort entre les deux, oui. »
J'explose, mindblown, je n'arrive plus a me contrôler. Les larmes montent. Le film joue en accéléré dans ma tête.
« Je viens de comprendre le dernier monologue de Richard. »
Je n'arrive plus à parler à travers mes larmes. Il ne peut plus que m'attendre. J'ai adoré ce film depuis plus de vingt ans, il a changé ma vie, la musique que j'écoute, j'ai littéralement vécu à Richmond avant de venir vivre à Paris. Et je suis passée à côté de ce parallèle. J'ai besoin de voir le film de nouveau, avec ce nouvel élément. Qui veut m'accompagner ?
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